Émotions d'artifice

Publié le par l' impudente

 

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A 10h dimanche dernier il y a eu un attentat place Taksim - on n’a pas compté les morts, il n’y en avait pas - et on n’en parle plus.

Quelques jours avant il y eu des feux d’artifice grandioses sur le Bosphore - on n’a pas compté les vivants, il y en avait trop - et on n’en parle plus. 

 

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 La ville ne grésille ni d’émoi ni de terreur d’une explosion sous le toit de son ciel. Ceux qui s’emballent s’échauffent bien seuls. La ville n’en redemande pas, elle applaudit quand ça jaillit par le ciel en arabesques de lumière, elle se scandalise un peu quand elle entend parler d’explosifs. Mais elle continue à faire ses courses au marché et à générer le trafic inlassable des rues qui ne s’affolent que pour travailler puis s’amuser.  C’est tan mieux? C’est ainsi.

 

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Peut-on se laisser étourdir ou absorber plus de quelques instants par les spectacles magiques ou sordides que le monde nous offre occasionnellement ? Alors que le spectacle de notre propre vie est certes moins éblouissant mais beaucoup plus endurant : il promet, lui, de ne pas s’arrêter pour une sirène tonitruante ou un peu d’effervescence. Il s’accomplit comme un labeur d’artisan, pièce après pièce, sans l’artifice un peu insolent de la machine qui réussit l’éclatant tour de force d’accélérer le temps, parfois même d’en gagner. Miette après miette, seconde après seconde la vie quotidienne se déroule comme un chapelet dont chaque prière est la même : soumets nous à la tentation et délivre nous du Bien, Amen. 

 

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Le feu d’artifice fait quelques étincelles et beaucoup de fumisterie. Promesse d’explosion, serment d’effusion, de joie et de lumière. Comment refuser une telle proposition d’incandescence et de ferveur? Comment ne pas croire en cette promesse qui se condamne elle-même à ne jamais s’accomplir, à s’estomper dans la magie grisante et impalpable qu’elle laisse entrevoir? Une effusion au-dessus de nos têtes qui nous lient dans un mirage collectif, un Ouahou unanime  perdu dans la beauté du Ciel. Le feu d’artifice est une révolution : il ne se réalisera jamais entièrement car il commet lui aussi l’erreur de présupposer son point d’aboutissement. Incident technique et philosophique, il croit évoluer mais il ne fait que recommencer. Révolution = rotation. Le feu d’artifice, tel l’emballement collectif d’un peuple, est un renversement sans évolution, un éternel retour à son point de départ. Le retour d’une force d’affirmation d’une nouvelle lueur, crépitement sur l’aube de nos souffles exaltés. La joie d’une explosion, la crainte de la fin de cette même explosion et surtout l’horreur de constater que l’élan ne prend pas : comment la lueur de quelques cœurs pourrait-elle devenir la lumière de tout un monde ?

 

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