Rire en bandoulière
J'ai trop de veines, c'est terrifiant, toutes les heures du jour et de la nuit y coulent, c'est asphyxiant. J'ai trop de nerfs, c'est amusant, toutes les peines d'entrée et de sortie s'y coincent, c'est menaçant. J'ai trop d'artères, c'est repoussant, toutes les miettes de désir et de joie s'y agglutinent, c'est luxuriant. J'ai trop de mots c'est tétanisant, toutes les virgules de silence y trainent c'est horripilant. J'ai du rire, c'est exaltant, des éclats sonores de joie furieuse, c'est vacarmant, des rires qui m'assaillent, sans crier gare, qui restent le temps qu'ils souhaitent et repartent en se bidonnant aphrodisiaquement. C'est bien rigolbochant et amplement suffisant.
C'est ensuite qu'elle s'est mise à crier. Ensuite elle a crié : je ne suis pas fatiguée, j'ai toujours existé. Elle a répété : j'ai toujours existé, j'ai toujours existé. Elle s'est mise à le chanter, le scander, et enfin à le rire. Puis l'écho de ce murmure fusée d'hilarité finissait par ressembler à : j'existerai toujours.Toujours. Toujours. Toujours. Et au lieu de s'évanouir dans le précipice de la vie austère, elle n'a jamais, jamais, jamais cessé de rire.