Ce n'est qu'un mauvais tour
Allez, ne refroidis pas trop mes désirs impulsifs, tu sais bien que je te les tends comme des cerises à suspendre à tes oreilles. Tu pends, toi aussi, comme une cloche, parfois. J'aimerais ressembler au goût de cette cerise un peu vicieuse. Tu vis en dessous et tu tapes férocement sur ton plafond pour me faire sentir ton existence dérangée par mon existence aquoibonniste. "Something you call love" c'est bien ça? Et moi je colle mon oreille au plancher pour admirer secrètement la symphonie de tes appitoiements. Allez, avale tes larmes, fais les rouler dans ta gorge et transforme les en collier à étreindre les boyaux. Tu vis en dessous et tu tapes du pied, du poing, de la tête contre les murs. Allez, ne sois pas si fiévreux. Tu sais que je suis juste au-dessus, le corps nu agraffé au plancher pour t'entendre gémir que je te manque. Est-ce que je te manque? Allez, fais moi chanter, je suis juste au dessus de ton sommeil, de tes rêves emmerdés par la vie, je suis au-dessus et je peux te le rappeler à tout moment. Hé, héééé, psssiit : je suis là. Tu vois, c'est le matin, c'est dimanche, moi aussi je suis emmerdée par les coups de klaxons du réveil, de la nuit sans fin, qu'est-ce que tu crois? Tu veux monter? Si je te manque plus que tes larmes, t'as qu'à monter. J'ai poncé le parquet. Tu me manques, j'ai léché le parquet en attendant. Comme ça, tu vois, ma peau glisse, elle est cireuse, c'est drôle à voir d'ailleurs, tu devrais venir jeter un oeil. C'est violacé, c'est ciré, c'est impeccable.
On va faire bouillir l'eau du bain, on va envoyer de la musique contre les murs, les fenêtres, les lucarnes étroites de la vie. Viens! Monte! On va supplier l'hilarité du monde de nous transformer en éclats de rire. On se sent un peu menacé, hein tous les deux, toi en dessous à t'empoigner les racines des cheveux. Les racines du ciel quant à elles plongent en moi pour me rappeler que le goût véritable de la cerise s'appelle la mort. Hé. Hé ho, tu veux pas monter voir un peu à quoi ressemble un corps nu avachi sur le sol, grisé par le zénith de sa subjectivité? Allez, allez viens, on va bien se marrer, on sa s'enterrer dans l'eau du bain et on va prier la musique de nous ensevelir. Je t'entends, tu sais, je sais que tu es comme un pétard soûl dans l'espace glacé qui pend sous mon corps. Espèce d'imbriaque de la vie! Je vais faire un trou dans le parquet si tu continues à tamponner ton plafond et mon sol, mon sous sol et à ne pas monter contempler ma peau poncée scotchée au sol. Ou alors, je vais faire un tout petit trou et je t'observerai à travers ce tout petit trou et je suis sûre que ça, ça te fait flipper, plus encore que le goût cerisé de la mort, parce qu'en réalité, tu fais semblant d'être désespéré. "Im a desperado of love", ouai ouai c'est ça, prends moi pour une cloche pendue à tes mensonges, pauvre imbécile. T'as qu'un colimaçon à monter et tu préfères rester cloîtré dans tes mensonges et ton faux désespoir. En réalite, je sais qu'à travers le tout petit trou, je te verrais t'envoyer en l'air avec toi même. Tu fais semblant de taper contre le plafond, pour simuler ton manque, ton incomplétude, mais en réalité, t'es en extase de toi-même! Allez, je vais sucer le plafond, ça me changera les idées...
Photos : Ernesto Timor